Hauts-de-France / Somme : histoire de la voie verte « Traverse du Ponthieu »

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Sophie POUILLY 22/11/2022 AMÉNAGEMENT

racontée par notre délégué départemental de la Somme

L’histoire de Traverse du Ponthieu est tristement banale. Cette voie verte commence par une désaffection, celle d’une « petite ligne » de chemin de fer, construite à partir de 1869, reliant Béthune à Abbeville via Saint-Pol-sur-Ternoise et Auxi-Le-Château.

Jugée non-rentable, elle est abandonnée par étapes. Les déclassements se succèdent, d’abord la section de Saint-Pol-sur-Ternoise à Frévent, puis en 1973, la section de Frévent à Auxi-le-Château.

En 1994, le couperet tombe, la section d’Auxi-le-Château à Abbeville est à son tour fermée. La voie ferrée est démontée, fin de l’aventure ferroviaire.  Ce dernier tronçon, bien commun comme le reste de la liaison, va devenir au début des années 2000 une voie verte dite « Traverse du Ponthieu ».

Les travaux seront réalisés par étapes, très irrégulièrement, sans schéma directeur précis. L’axe, que certains nomment dès le début à tort « sentier », est réservé aux cyclistes, aux piétons et aux cavaliers. Revêtement choisi ; Stabilisé. Les communes riveraines ont la charge de l’entretien de la voie verte. A cette époque les produits phytosanitaires sont encore abondamment utilisés, les bordures et la bande roulante de la Traverse sont traités deux à trois fois par an. C’est à ce prix que, sur certains territoires communaux, la voie verte reste tant bien que mal cyclable. Sur d’autres portions, elle est peu à peu envahie par la végétation et de fait les cyclistes les plus vulnérables en sont exclus de même que les rollers, les trottinettes, les poussettes et les personnes à mobilité réduite.

Cette voie verte n’avait été ni pensée, ni aménagée pour le plus grand nombre, son usage devient donc, au fil du temps, confidentiel. 

En 2018, le département rachète aux communes la Traverse et rapidement, ce dernier l’identifie comme un axe structurant allant même jusqu’à qualifier la partie comprise entre Saint-Riquier et Abbeville « d’utilitaire ». Donc utilisable par les cyclistes du quotidien.

Le 23 juin 2020, l’assemblée départementale vote un plan de relance dont l’action onze a pour objectif de « développer l’usage du vélo et des mobilités durables ». Budget : 10, 13M d’euros. Lors de cette séance, les élus inscrivent la Traverse du Ponthieu parmi les quatre itinéraires à aménager en priorité. Deux premières tranches de travaux sont réalisées entre novembre 2021 (Saint-Riquier Neufmoulin) et juin 2022 (Abbeville intramuros).

Cependant le département doit faire face à une opposition frontale d’un comité de riverains qui s’opposent à la « bitumisation » et à la « bétonisation » de la Traverse. Les travaux sont stoppés au grand dam des utilisateurs de la voie verte ; Cyclistes quotidiens, cyclistes vulnérables, personnes à mobilité réduite et autres usagers. L’AF3V envoie un courrier de soutien au président du conseil départemental dans lequel l’association réaffirme sa préconisation du choix de l’enrobé plutôt que celui du stabilisé et insiste sur l’aspect inclusif et social que doit revêtir le nouvel aménagement. Le conseil départemental, par la voix de M. Hubert De Jenlis accueille très favorablement ce soutien et convie désormais l’AF3V à la concertation. Une partie du comité de riverains a depuis rallié l’option présentée par le département après avoir obtenu un certain nombre de garanties, notamment au sujet de prétendus abattages d’arbres. M. De Jenlis s’est engagé par ailleurs à mettre en place un comité de pilotage qui devra évaluer régulièrement le bon fonctionnement du nouveau dispositif. 

Les travaux ont repris à la mi-novembre entre Abbeville et Caours. Souhaitons qu’ils soient achevés pour la journée mondiale du vélo en juin 2023.

L’AF3V continuera à soutenir et à encourager la création d’une véritable voie verte écologique, utilisable par tous, par tous les temps d’Abbeville à Auxi-le-Château.


Le mot de notre délégué départemental de la Somme

Laurent LOPEZ SZARFSZTEJN

Président du Mouvement de Défense de la Bicyclette de 1996 à 1999, puis collégialement de 1999 à 2003, j’avais raccroché les crampons après avoir vécu la période si enthousiasmante du lancement du premier plan vélo à Paris. La vie associative était devenue trop énergivore pour moi, puis il faut savoir passer la main. 

Habitant aujourd’hui Gapennes, petit village situé à 14km d’Abbeville et à 4.5km de Saint-Riquier, j’emprunte la Traverse du Ponthieu depuis 2005. Je me souviens même l’avoir prise en mars de la même année après une grosse chute de neige. Autant dire que je la connais comme ma poche. De jour, de nuit, avec ou sans carriole, je sais éviter toutes les embûches que l’on rencontre le long de son parcours.

En juin 2021, la première tranche de travaux entre Saint-Riquier et Neufmoulin a été achevée, j’ai sauté de joie. Trop beau, trop pratique, trop confortable. Enfin, le bon sens l’emportait ; nous allions pouvoir rallier Abbeville facilement pour aller faire des courses, aller au cinéma, aller prendre le train, ou tout simplement pour aller se balader jusqu’à la mer. La joie s’est vite transformée en désespoir quand les travaux ont été interrompus. J’ai découvert qu’il y avait des opposants à ce type d’aménagements. Abbeville, ses cinq zones commerciales, ses hectares de parking pour voitures, sa « shopping valley », ses paysages modifiés pour et par la voiture sans que personne ne se soulève. Et voici que des travaux de rénovation d’une voie verte déclenche une bronca ! Contre l’artificialisation des sols, contre le bitume, contre le béton, contre, contre, contre… Et les travaux sont stoppés. Le sentiment d’injustice a été trop grand pour que je reste dans mon coin à ruminer. J’ai donc décidé de décrocher les crampons pour essayer de défendre la cause du vélo en milieu rural, là où la voiture est une drogue dure !

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